La date du 12 janvier 2025 restera dans les annales du tourisme : la capitale de la première destination mondiale – Paris – ferme les portes de son dernier point d’accueil situé au quai Jacques Chirac, à quelques pas de la tour Eiffel. Cette annonce a eu un retentissement médiatique important, suivi de débats parfois houleux entre professionnels du tourisme. Au-delà de ce choc, quelles leçons en tirer ? Les offices de tourisme tels que nous les connaissons sont-ils tous voués à disparaitre ?
Fluctuat nec mergitur…ou pas
Stupeur et incompréhension frappent les professionnels du tourisme en ce 12 janvier 2025. Après le succès estival des Jeux Olympiques 2024 à Paris, l’Office de Tourisme prend une décision radicale : fermer le dernier point bureau d’accueil physique géré par l’Office. Levée de boucliers chez la plupart des professionnels de la filière qui dénonce une mesure disproportionnée alors que les recettes touristiques de la capitale s’élevaient à 19,6 milliards d’euros en 2022, pour une subvention d’à peine 4,5 millions d’euros.
Par la voix de sa directrice générale – Corinne Menegaux – l’Office de Tourisme de Paris se défend et indique que « contrairement à ce qui a pu être évoqué, notre démarche ne vise pas à supprimer l’accueil physique mais à le réorganiser avec le soutien de nos partenaires pour mieux répondre aux attentes des visiteurs ». En effet, l’association souhaite développer une conciergerie touristique joignable sept jours sur sept, par téléphone, mail et messagerie instantanée. L’accueil physique sera proposé dans un réseau développé depuis 2024 à travers des kiosques, des bureaux de poste ou des acteurs du tourisme comme des hôteliers qui seront « soutenus, animés et formés pour devenir des points d’information touristiques officiels » selon l’Office de Tourisme.
Le symbole est fort : la capitale touristique du monde acte une décision impopulaire – à rebours de certaines destinations qui rénovent leurs bureaux d’information touristique – et ce, après la fin des JO, où le monde entier avait été accueilli à Paris. Une décision qui rend d’autant plus perplexe lorsque l’on se souvient de cette étude Harris Interactive x Toluna, commandée par Atout France, qui pointait une qualité d’accueil perçue comme étant moins bonne, comparativement à l’Espagne ou l’Italie. Caroline Boucher, alors directrice générale d’Atout France, avait même reconnu que ce point d’amélioration était « crucial ». 6 mois après, la ville des Lumières éteint celles de son dernier bureau d’information touristique. Et fait donc le choix de « sous-traiter » son accueil. Que faut-il en conclure ?
Petite précision avant de jeter le bébé avec l’eau du bain : personne n’érige l’exemple de Paris comme la marche à suivre pour tous les territoires. Corinne Menegaux cite les « spécificités de Paris dans laquelle les sites d’attractivité sont répartis de façon diffuse » et que « ce modèle [suppression des bureaux d’informations touristiques] n’est pas transposable partout. »
L’OT du futur : bientôt sur vos écrans
N’y allons pas par quatre chemins : la révolution tant attendue de la transformation des bureaux d’information touristique en « OT du futur » n’a pas eu lieu. On peut critiquer la mesure proposée par l’Office de tourisme de Paris mais le fond est juste : les touristes délaissent ces lieux d’accueil.
Depuis une décennie (au moins, l’auteur de ces lignes n’ayant que 30 ans), on parle de ce fameux office de tourisme du futur qui permettrait de renouer avec un visitorat jeune qui viendrait massivement obtenir des renseignements dans un lieu d’accueil physique… mais malgré de nombreux articles sur le sujet, des conférences données par de grands pontes en la matière, le résultat est que… les Bureaux d’Informations Touristiques (BIT) ont connu une baisse de 40% de leur fréquentation entre 2009 et 2019 selon Tourisme & Territoires. Inutile de se bercer de douces illusions : qui se rend encore dans un office de tourisme lors d’un séjour en vacances ? Si vous êtes un professionnel du tourisme, votre réponse ne compte pas puisqu’il s’agit de faire preuve de courtoisie professionnelle en toute circonstance 😉
La suppression des points d’accueil physiques est donc-t-elle inéluctable ?
Non.
Mais alors, quelles sont les bonnes solutions pour révolutionner son office de tourisme ? Comment résoudre ce serpent de mer qui cause tant de fil à retordre aux collectivités ?
BIT pour Bureau d’Innovations Touristiques ?
Chez Hauts-de-France Innovation Tourisme, nous avons accompagné l’Office de Tourisme d’Arras Pays d’Artois dans son projet de refonte de Bureau d’information touristique (BIT) et grâce à ce cas pratique, nous pouvons vous donner quelques éléments de réponse.
Implanté au sein même du beffroi de la ville, le BIT d’Arras Pays d’Artois dispose d’une situation idéale, au cœur du centre historique : avec plus de 200 000 visiteurs par an dans son office et 2 millions d’euros de chiffre d’affaires (+ 600 000 par rapport à 2017), la Société Publique Locale Arras Pays d’Artois se trouve dans une situation que beaucoup d’autres offices de tourisme envient mais, pour autant, elle ne se repose pas sur ses lauriers.
Consciente de ses propres atouts, la SPL Arras Pays d’Artois a sollicité HIT pour innover et expérimenter autour de son espace d’accueil avec pour objectif de transformer cet espace d’accueil en espace expérientiel immersif. L’ambition est grande : faire du BIT une offre touristique et le transformer en une attraction qui offre un premier aperçu du territoire. Passe d’un service informationnel à un service expérientiel qui donne un avant-goût de ce qui attend le visiteur.
Car oui, l’objectif est également de casser le continuum espace-temps et d’offrir un lieu d’accueil ouvert sur tout le territoire. Avec un visitorat de 200 000 visiteurs, il serait dommage que le grand territoire du Pays d’Artois – qui compte 358 communes – ne profite pas de ces potentiels visiteurs.
Ce changement de fonction pour un BIT s’accompagne donc de lourdes transformations physiques pour proposer une véritable attraction au visiteur. Grâce à un travail conjoint avec Martin Laurent, designer d’espaces, l’office de tourisme Arras compte bien révolutionner – à son échelle – l’expérience d’un visiteur sur son territoire grâce à ce qui était son bureau d’informations touristiques et qui deviendra un must-see du territoire, à l’instar du beffroi de l’hôtel de ville ou des carrières Wellington.
Il est encore un peu tôt pour détailler les résultats de cette expérimentation arrageoise mais un premier aperçu sera donné fin mars avec le dévoilement d’un Proof Of Concept (POC) et nous publierons prochainement un article reprenant l’accompagnement de A à Z par HIT de cette transformation audacieuse. Et pour tester le résultat en grandeur nature, nous vous donnons RDV en fin d’année 2026, date à laquelle l’ouverture de ce nouveau BIT sera ouvert au public.
En marquant 2025 comme l’année de transformation de l’espace d’accueil des touristes, Arras prend donc le contre-pied de Paris, et investit dans son lieu d’accueil historique. Pour autant, dans les deux cas, il s’agit d’innovation touristique : l’un préfère disrupter l’expérience proposée sur site tandis que l’autre préfère disrupter son implantation géographique ainsi que ses modalités d’accueil.
Terminons ce billet par un autre exemple régional : Saint-Omer ! L’office de tourisme prend, ici aussi, la forme d’une Société Publique Locale (SPL). Leur BIT est beaucoup plus qu’un lieu d’information. D’ailleurs, même son nom ne fait aucune référence à sa fonction d’informations puisqu’il ne s’agit pas de « l’office de tourisme de Saint-Omer » mais de « la Maison du Marais » ! Moins central qu’Arras, le lieu a su se réinventer en proposant un salon de thé, une salle de séminaire, de la location de vélos et même des services postaux ! Dans une interview accordée au journal Le Monde, Julien Duquenne – directeur de la SPL Pays de Saint-Omer – est formel et précise que « l’office du tourisme à l’ancienne, s’il ne change pas, est condamné ».
Bien que situés en Hauts-de-France, ces deux exemples de territoire sont différents par leur nature, leur contexte et leur flux de visiteurs. Néanmoins, un point commun réside dans la solution apportée : celle de la diversification des activités. Face à une infobésité constante, l’office de tourisme n’a-t-il pas une carte à jouer en proposant autre chose que du conseil et de l’information ? Et si finalement, le bureau d’informations touristiques du futur n’était pas un bureau d’informations touristiques ? L’office de tourisme est mort, vive l’office de tourisme !